Brigitte Langevin: 15 secondes pour pleurer

Brigitte Langevin: 15 secondes pour pleurer

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Alice

Spécialiste de la physiologie du sommeil des bébés

Brigitte Langevin est pionnière dans le domaine du sommeil des bébés de 0 à 5 ans, et a crée la stratégie des 15 secondes, que l’on peut trouver de manière détaillée dans son livre « Le sommeil du nourrisson ». L’idée première est de permettre au bébé d’apprendre à s’endormir seul.

Conçue pour les nourrissons de 8 semaines (!) à 12 mois, cette technique repose sur l’ajout graduel de 15 secondes entre chaque intervention parentale lorsque le bébé pleure. En plaçant le bébé éveillé dans son lit après le rituel du coucher, les parents s’assoient à proximité sans établir de contact visuel. Puis, à chaque période de pleurs intense, les parents attendent d’abord 15 secondes avant d’intervenir doucement en prenant bébé debout dans leurs bras, sans le caresser ni le regarder, jusqu’à arrêt des pleurs, avant de replacer bébé dans son lit. Et enfin augmentent ce délai de 15 secondes chaque jour jusqu’à atteindre un maximum de 5 minutes. 

Cette technique fut d’abord considérée comme bienveillante lors de sa publication en 2011, par la courte durée initiale des pleurs seuls de bébé et la possibilité de le réconforter dans ses bras fréquemment. Mais a la lumière de ce que l’on sait maintenant, sur la perception du temps par les bébés (je décris cette notion plus en détail dans cet article) notamment, les 15 secondes ne sont là finalement que pour rendre la méthode plus supportable pour les parents, probablement pas pour bébé.

Au delà de ces connaissances qui n’étaient peut-être pas aussi accessibles lors de la création de cette méthode, elle m’apparait également problématique sur plusieurs points. (Je précise que pour cette critique, je me base sur un exemplaire acheté en ligne en 2020 et dont la date d’édition est 2016).

Interprétation des Pleurs

L’affirmation selon laquelle « si votre bébé chigne ou pleure sans conviction, il est en train de se réconforter, ne démarrez pas le compte » minimise l’importance des pleurs comme moyen de communication des bébés. Or, ignorer ces signaux sous prétexte qu’ils sont « sans conviction » revient à fermer les yeux sur une évidence : les pleurs, même les plus doux, peuvent indiquer un besoin réel de confort ou de sécurité. Sérieusement, comment peut-on juger de la « conviction » d’un bébé en pleurs ?

Absence de Contact Visuel et de Confort Physique

 Le conseil de « laisser le bébé se calmer sans le bercer, ni le flatter ni le tapoter, etc. » et de « ne le regardez pas dans les yeux et ne lui parlez pas lorsqu’il est au lit » est tout simplement inefficace. Les bébés ont un besoin inné de se sentir en sécurité et aimés, ce qui passe par le contact visuel et physique avec leurs parents. Les priver de ces éléments essentiels peut nuire à leur sentiment de sécurité et à leur développement émotionnel.

Traitement des Bébés Tenaces

L’idée que « plus le bébé est tenace et combatif, plus ce sera long avant qu’il ne se laisse aller au sommeil » et qu’il ne faut « aucune inquiétude à avoir » est similaire pour moi à l’idée qu’il faut « casser » la persévérance de bébé. Que c’est un rapport de force entre le parent et bébé. Persévérer dans une méthode qui ignore systématiquement les besoins émotionnels du bébé sous prétexte qu’il est « tenace » n’est en rien bienveillant.

Gestion des Situations Spécifiques

La recommandation d’éviter tout contact visuel et d’agir le plus rapidement possible même en cas de besoin (comme moucher le bébé ou le replacer sur le matelas) démontre une approche un peu trop mécanique et détachée du soin parental. Le règlement générale de « ne surtout pas sortir le bébé du lit » pour toute intervention renforce une distance émotionnelle qui peut être néfaste. Alors je me demande : est-ce vraiment ainsi que nous voulons traiter nos enfants, comme des robots à programmer ?

Conséquences de l’Abandon en Cours de Route

Le livre a une section « Si vous avez cédé en cours de route ». Oui, c’est utile, mais la formulation peut s’entendre comme une façon de culpabiliser les parents et les pousser à une persévérance qui peut être émotionnellement épuisante pour eux et leur bébé. Cette culpabilisation ignore les besoins naturels et changeants des enfants et des parents. Et est une manière de plus de faire sentir les parents inadéquats et épuisés.

Vous l’avez compris..

Je ne suis pas fan de cette méthode. Malgré son intention d’aider les bébés à s’endormir seuls, elle semble ignorer les besoins émotionnels fondamentaux des nourrissons pour le contact, la sécurité et l’attachement. Les stratégies recommandées dans ce livre peuvent entraîner une détresse émotionnelle chez les bébés et des sentiments de culpabilité et d’épuisement chez les parents. Une approche qui valorise la réponse empathique et la présence réconfortante des parents est plus recommandée pour le bien-être et le développement des enfants. Il est essentiel de considérer des méthodes d’endormissement qui respectent les besoins émotionnels et physiologiques des bébés, tout en soutenant les parents dans leur rôle nourricier. Ignorer ces principes, c’est tourner le dos à des décennies de progrès en psychologie de l’enfant et en neurosciences. Et à notre instinct parental!

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