« Au dodo les petits : Comment Anna Wahlgren réinvente les besoins des bébés… sans aucune base scientifique. »

« Au dodo les petits : Comment Anna Wahlgren réinvente les besoins des bébés… sans aucune base scientifique. »

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Alice

Spécialiste de la physiologie du sommeil des bébés

« Au dodo les petits » d’Anna Wahlgren présente une approche singulière pour résoudre les troubles du sommeil chez les jeunes enfants, mais souffre de nombreuses critiques sur le plan scientifique ET éthique.

Prémices Contestables

Anna Wahlgren part du principe que dès l’âge de quatre mois, un bébé peut théoriquement jeûner pendant douze heures. Cette affirmation est basée sur une interprétation très littérale de la capacité de l’estomac du bébé, en ignorant que les besoins alimentaires nocturnes ne dépendent pas uniquement de la capacité physique de stockage de nourriture, mais aussi de la fréquence à laquelle le bébé a besoin de calories pour son développement et son métabolisme rapide. Et certains bébés ressentent la faim plus intensément que d’autres, même si leur estomac n’est pas complètement vide. C’est là que le rôle des parents devient crucial, choisir d’écouter ou non ces besoins plutôt que de suivre aveuglément un script.

La suppression de la tétine, possible dès la première nuit, selon Wahlgren, ignore le besoin de succion pour le confort, réduisant la complexité du développement émotionnel et physique de l’enfant à un simple problème de gestion.

Anna Wahlgren insiste sur l’importance de la mise en place de conditions favorables au sommeil, car elle estime que les pleurs des bébés sont des manifestations d’angoisse de survie et d’un besoin de cadre. C’est à partir de ce postulat qu’elle a développé sa méthode, que l’on peut aussi faire en cure préventive, dans un but de réintroduire le calme, la sécurité et le plaisir dans le fait de dormir. Anna propose ainsi 7 outils pour remplir cet objectif, dont :

Un certain rigorisme dans le rythme

Wahlgren propose un régime presque à la minutes avec des horaires fixes pour les repas et le coucher, espérant instaurer une sorte de discipline rythmique. Certains bébés peuvent bénéficier d’un rythme régulier. Mais il est important de se demander si une telle rigueur est réellement bénéfique ou nécessaire pour un bébé, dont les phases de sommeil et les besoins alimentaires peuvent varier considérablement d’un jour à l’autre la première année de vie.

La rigolade du soir

Elle a pour but de donner le plaisir de dormir. Cela consiste à faire rire votre enfant, par tous les moyens (chatouilles, grimaces…). Idéalement, l’enfant va rire jusqu’au moment d’être déposé dans son lit, et libérer ainsi les tensions de la journée. Si il y a une bonne idée à retenir, c’est celle là. Souvent, on a peur de faire bébé, au risque de l’exciter. Mais c’est une activité au contraire qui permet de s’apaiser en quelques minutes, et ça m’a fait plaisir de voir ce conseil mentionné. Nous sommes l’une des rares espèces à avoir la capacité de rire, profitons-en!

Le positionnement

C’est le point qui concentre les critiques les plus virulentes de cette méthode, et je dois avouer qu’effectivement, je n’étais déjà pas fan, mais après avoir lu la description de cet outil, je me suis vraiment demandé comment elle avait pu se dire un jour « tient, je vais tenter ça sur mon bébé, on va voir si ça marche.. »:

Le positionnement, c’est un rituel pour signaler que toute activité cesse. Il consiste à placer les bras de bébé vers le haut, puis à plaquer les jambes droites sur le matelas et enfin, à placer la tête à l’opposé de l’endroit où l’on se tient pour indiquer qu’il peut rompre le contact visuel avec vous en confiance (!). Il est recommande de maintenir la position allongée jusqu’au calme, la détente étant la condition nécessaire à l’endormissement en sommeil calme.

Dans certains témoignages, on peut voir que certains parents affirment que cette façon de faire a été bénéfique et déterminante pour l’endormissement serein de leur bébé. Je le crois. Maintenir une pression sur le corps de bébé stimule le sens proprioceptifs et apaise donc le système nerveux. Mais à noter que ce n’est pas DU TOUT le seul type de stimulation proprioceptive possible, il y en a des dizaines, suivant les préférences de bébé. Alors rester ferme si bébé ne semble pas aimer me semble totalement inutile, inefficace, voire violent.

De plus, AUCUNE recherche ne vient soutenir le fait d’instaurer la confiance en évitant le contact visuel, et en entravant les mouvements de bébé. On risque donc ici de tomber dans les VEOs (Violence Educative Ordinaire).

Le flapotement

Flapoter est un terme inventé pour désigner le fait de **bercer l’enfant d’avant en arrière dans son lit**, en appliquant une pression rythmée avec la main, au niveau de la couche. ⇒ une technique tout a fait valable, qui ici aussi stimule le sens proprioceptifs de bebé en synergie avec le sens vestibulaire. Mais encore une fois, les techniques de stimulation proprioceptive et vestibulaire, dont fait partie le flapotement, devraient être adaptées aux préférences individuelles de chaque enfant, plutôt que d’être prescrites comme une panacée.

D’autres outils sont décrits, comme l »éventail (une manière spécifique de placer ses mains sur le corps de bébé, après le succès de la mise en place du flapotement), et la comptine, une sorte de mantra, a répéter suffisamment souvent, et dans certaines situation, pour quelle devienne une phrase reconnaissable par bébé qui suffirait a le rassurer, sans contact visuel ou tactile. Je parle du phénomène de co-regulation dans cet article, la conclusion vaut donc également pour cette technique d’apaisement.

Et les pleurs dans tout ça ?

L’auteur souligne également l’importance de laisser le bébé pleurer un peu s’il le faut. Cela afin de l’aider à comprendre que la nuit est le moment de se reposer. Elle incite à écouter les pleurs du bébé et à reconnaitre les pleurs d’énervement ou de détresse, seuls ces derniers devant mener à un réconfort de la part des parents.

J’ai pu en être témoin moi-même avec ma fille, certains pleurs sont des pleurs physiologiques, qui ne sont pas l’expression d’un émotion, par exemple entre 2 cycles, ou entre 2 phases de sommeil.. Mais si on parle d’émotions, les hiérarchiser, comme on le fait pour un adulte n’est pas valable pour les bébés, c’est démontrer d’un méconnaissance profonde de la gestion des émotions dans le cerveau des bébés, qui, on le rappelle, ont encore un cortex pré-frontal très peu développé, surtout avant 6 mois!

Les fondements de la peur selon Anna Wahlgren

Sur quoi se base Anna pour justifier l’emploi de ces techniques?

Anna part du principe que une fois tous les besoins primaires de bébé satisfaits (faim, couche, câlins), le seul besoin exprime qui empêche bébé de bien dormir est la peur.

Le seul, non, mais l’un des plus important, voire le plus important, je suis assez d’accord.

Mais c’est là ou Anna Wahlgren part loin dans ses elucubrations, sans fondements scientifiques: Bébé n’a pas peur que vous l’abandonniez. Il a peur d’être mangé.

Elle utilise donc la métaphore du safari pour justifier que non, bébé NE VEUT PAS de vous près de lui.

Selon elle, lorsqu’un bébé pleure la nuit, il ne désire pas nécessairement la présence physique rassurante de ses parents à ses côtés. Au contraire, il serait plus rassuré par l’idée que ses parents agissent comme des sentinelles discrètes mais vigilantes. Cette vision peut être comparée à un touriste en safari qui préfère savoir que le guide est alerte et armé à l’extérieur de la tente, plutôt que de le voir constamment à ses côtés. Cette comparaison est censée rassurer sur le fait que l’environnement est sûr et que le parent est proche et attentif, sans pour autant intervenir physiquement.

Cependant, cette approche soulève des interrogations majeures sur la compréhension des besoins de sécurité des bébés. Les recherches en psychologie du développement montrent que les bébés ont besoin de réponses tangibles à leur détresse pour développer un attachement sécurisant. Autrement dit, comme l’exprime très bien Gabor Maté:  » LA SÉCURITÉ N’EST PAS L’ABSENCE DE MENACE, C’EST LA PRÉSENCE DE CONNEXION. »
La suggestion que les bébés seraient rassurés simplement par « l’assurance » d’une présence invisible, comme le guide sur un safari, me semble donc une totale incompréhension des besoins des enfants mais aussi comme une sous-estimation de leur besoin de confort et d’affection tangibles lorsqu’ils appellent la nuit.

Ce décalage entre la métaphore de Wahlgren et les besoins réels des bébés souligne un des aspect les plus problématiques de sa méthode : elle risque de promouvoir une forme de détachement parental qui n’est pas alignée sur les recommandations actuelles en matière de soins aux enfants, qui privilégient une réponse empathique et adaptée aux signaux de détresse des bébés pour favoriser un développement sain et sécurisé.

Pour toutes ces raisons, je ne recommande absolument pas la méthode « Au dodo les petits » d’Anna Wahlgren. Elle semble exhaustive, rajoute beaucoup d’outils pour ne pas ressembler à un simple entrainement au sommeil, dont certains valides, mais reste du conditionnement à l’endormissement.

C’est NON.

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