Bonjour Madame, je me permets de vous contacter pour avoir un conseil ou alors tout simplement savoir si ce que je vis est « normal ».
Ma fille, Ambre vient d’atteindre ses 13 mois. Depuis sa naissance, les siestes et les nuits sont difficiles. Il y a eu beaucoup de portages, de bercements, d’endormissement par le sein (c’est toujours le cas).
Il est difficile de mettre autre chose en place.
Ce qui me pousse à vous contacter?
Le manque de sommeil à cause des multiples réveils durant la nuit (elle est toujours en demande du sein). Et les nombreuses remarques du style : il faut que tu arrêtes d’allaiter c’est pour ça qu’elle ne dort pas, l’allaitement est égoïste, tu met à mal la famille, tu ne le fais juste pour toi et donc ne t’étonne pas de ne pas dormir la nuit.
Je vous avoue que je suis à la limite d’arrêter l’allaitement car est ce que le lait infantile serait la solution absolue?
Évidement au fond de moi je sais que ce n’est pas le cas. Mais, et si ?
Malgré les rituels bien établis, la diversification alimentaire etc, elle se réveils la nuit (tous les 3h) pour boire.
Nous avons un lien très fort elle et moi. Très fusionnel. Donc quand papa, qui est très présent, essai de prendre le relais. C’est très souvent impossible car pleurs intenses, hurlement.
Parfois elle fait des nuits complètes (5 à 6h). Et souvent elle se réveille en m’appelant.
Merci beaucoup pour votre lecture et réponse 🫶🏻
Bonjour et merci pour votre message, ainsi que pour votre confiance. On sent à la lecture de vos mots combien vous êtes à l’écoute d’Ambre et de ses besoins, et combien vous traversez une période difficile, entre l’épuisement accumulé et la pression des discours extérieurs… Je vais essayer d’apporter des repères clairs, basés sur la science et l’expérience : il y a d’abord beaucoup à normaliser, et quelques pistes à vous proposer, mais aucune baguette magique ni recette universelle (malheureusement… ou heureusement : chaque famille, chaque enfant mérite qu’on respecte sa singularité).
**Ce que vous vivez est non seulement “normal”, mais très courant.**
À 13 mois, énormément de bébés se réveillent encore la nuit pour téter, pour le contact, pour s’assurer que la base de sécurité est bien là… Et non, cela n’est ni “de votre faute”, ni un caprice d’Ambre. Ce besoin d’endormissement et de ré-endormissement au sein, cette exclusivité du lien avec vous la nuit : c’est classique, voire attendu chez l’enfant allaité, surtout quand la figure d’attachement principale est très investie.
**Non, l’allaitement n’est pas une cause des réveils ni un acte égoïste.**
Je me permets d’être très claire ici : l’idée selon laquelle continuer à allaiter un enfant qui se réveille nuit “à la famille” ou serait fait “pour soi-même” est… pour rester polie, très à côté de la plaque.Un nombre incroyable d’enfants non allaités se réveillent autant (parfois plus), juste pour d’autres raisons et avec d’autres moyens d’apaisement : parfois une compote, le biberon, le bercement, ou juste un câlin. Passer au lait infantile n’est *pas* une baguette magique. Tous les essais comparatifs le montrent (et ce serait trop simple, sinon…).
**La charge et la fatigue qui en découlent existent, elles, très concrètement.**
C’est un marathon émotionnel et physique. Ce n’est pas “rien”. Vouloir modifier certaines choses pour dormir plus, c’est parfaitement légitime. Cela ne remet en rien en cause votre investissement, ni la qualité de votre lien avec Ambre. Juste : ça ne doit jamais se faire sous la pression de discours culpabilisants.
Quelques repères et pistes pour préserver votre énergie et peut-être aider à évoluer, doucement :
– Rien n’oblige à supprimer l’allaitement ni à couper ce rituel du jour au lendemain — s’il doit y avoir sevrage ou changement, il DOIT être progressif, pour vous comme pour Ambre. Sinon, la détresse peut être immense (et vous entendrez que c’est une “mauvaise méthode”… quoi qu’on fasse !).
– Le fait qu’Ambre accepte difficilement le papa la nuit est lié à ce lien d’attachement sécurisant, renforcé par la tétée. Ça ne veut pas dire que cela restera éternellement ainsi : parfois, introduire tout doucement des moyens d’apaisement où le père prend une micro-place (bercement, chant, caresses, portage, peau à peau, bruit blanc…), même en journée, peut lui permettre de devenir une figure rassurante la nuit, petit à petit. Ce sont comme de nouveaux petits circuits qu’il faut muscler. Mais cela prend du temps.
– Parfois, l’acceptation temporaire de la situation (“pour l’instant, on cododote plus, on cherche le moindre aménagement qui facilite les tétées/re-rendormissements, on lâche la pression sur l’endormissement autonome”) est ce qui fatigue paradoxalement le moins, en attendant que le cerveau d’Ambre mûrisse encore.
– À 13 mois, il est possible (mais pas obligatoire) de proposer d’autres outils d’apaisement, EN complèment du sein (et non en remplacement brutal—le contraire est généralement catastrophique). Par exemple : contact peau à peau, massages doux avant la nuit, bruit blanc si cela l’apaise, ou une couverture imprégnée de votre odeur. Et peu à peu introduire également des actions que bebé pourra à son tour faire: se balancer de gauche à droite s’ il s’endort sur le côté, mordre sa couverture, si la mâchoire et la succion l’apaise encore le mieux …Cela n’empêchera pas ses réveils (la physiologie, c’est têtu !), mais en valorisant que l’apaisement peut aussi passer par un autre adulte aimant, vous plantez quelques graines pour l’autonomie future, sans brusquer le lien ni la rassurance principale du moment, qui reste vous. – Vous pouvez comment à dissocier l’endormissement du sein, en le proposant plus tôt dans le rituel, dans une autre pièce, voir comment il réagit, si il en a moins besoin au moment de dormir, et là proposer en sus les autres actions. L’idée n’est pas de la « forcer » à s’endormir seule, mais qu’elle sente que l’apaisement peut venir aussi de votre proximité, de vos bras, de votre odeur, pas uniquement du sein.
– Si votre fatigue devient insurmontable, que la situation vous fait frôler votre propre limite, alors oui, il est légitime d’envisager, petit à petit, un sevrage nocturne. Mais cela doit se penser et s’organiser dans la douceur, jamais dans l’urgence ou sous le coup des injonctions extérieures.
**En résumé** :
Vous faites tout “bien”. Ce que vous vivez n’est pas un échec, ni un problème à “corriger”. L’endormissement au sein reste physiologique chez la majorité des enfants de cet âge, les réveils nocturnes aussi. La fusion que vous ressentez n’est pas un “mauvais pli” mais la fondation de sa confiance en elle et dans le monde.
Vous avez le droit de dire non à ceux qui vous reprochent d’allaiter. Vous avez aussi le droit d’être épuisée, de demander du relais (même s’il prend du temps à se mettre en place avec le papa), et de prendre soin de vos besoins autant que possible (même à toute petite dose). Un parent qui s’écoute, c’est aussi un modèle pour son enfant.
Ce chaos-là passera—un jour. Mais en attendant : vous n’êtes ni trop, ni pas assez. Vous êtes exactement la maman dont Ambre a besoin.
Avec tout mon soutien.